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Clik here to view.Un journaliste du Nouvel Observateur s'est, il y a quelque temps, moqué de la chanteuse Nolwenn Leroy pour des motifs plus ou moins valables, et celle-ci a trouvé ses critiques perfides, affirmant qu'elles assimilaient son succès à celui du Front national dans les sondages. Dans l'article, cela ne m'a pas sauté aux yeux, mais je pense aussi que son contenu était perfide : il assimilait les amateurs de culture bretonne à tout ce qui s'oppose à la République, comme si celle-ci supposait forcément l'effacement de la culture bretonne au profit de la culture imposée depuis Paris par l'Etat centralisé.
Mais le royaume de France était centralisé aussi ; Boileau, représentant la ligne culturelle fixée par Louis XIV, disait que la langue bretonne était impropre à la poésie. Il est vrai que le catholicisme étant alors très important, les langues latines, en général, étaient respectées, tandis que les Jacobins attaqueront jusqu'à l'italien (à travers le corse), et il est vrai, également, que le breton était toléré, parce que l'Eglise romaine le pratiquait en Bretagne. Il n'est pas faux que cela ait changé à la Révolution. Mais on peut avoir simplement l'impression que le centralisme était une orientation profonde, en France, depuis la Renaissance, et que les structures traditionnelles, notamment celles qui étaient liées à la religion, étaient un frein, pour ce mouvement profond. Même l'idée royale pouvait relativiser la force de l'Etat central, puisque le roi apparaissait comme issu des seigneurs d'Île de France. Bien que la République continue de faire de sa capitale une cité sacrée, ce qui relativise son unité interne a été effacé, et la Révolution l'a permis.
Cependant, elle a aussi mis en avant le principe de liberté. Sans doute, il s'agissait surtout, dans l'esprit des Jacobins, de souveraineté nationale : de la liberté du peuple tout entier, c'est à dire de l'Etat. Mais les libertés individuelles ont bien été consacrées par 1789. Et cela signifie, je crois bien, que l'homme ou la femme qui affectionne la langue bretonne doit pouvoir s'adonner librement à son goût !
D'ailleurs, le centralisme jacobin a été relativisé, et la décentralisation et la création des Régions ont été réalisées dans l'esprit que la République ne présupposait pas forcément l'absence de liberté culturelle dès qu'on pénétrait la sphère des traditions régionales. S'il existe une Région Bretagne, c'est bien que la culture bretonne fait partie de la culture de la République, y a sa place pleine et entière. On peut ne pas l'aimer ; il n'est pas légitime de la stigmatiser au nom de la République. Le choix de la culture bretonne est personnel, et l'Etat n'a pas à s'en mêler.
Personne n'est obligé d'acheter les chansons de Nolwenn Leroy : le commerce est libre. C'est l'avantage du libéralisme, en matière culturelle : l'Etat ne peut pas y imposer une ligne particulière.