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Clik here to view.Pour Victor Hugo, la Révolution était l'Esprit qui se révoltait contre la prétention du Roi et du Clergé à l'assumer entièrement : ils limitaient la vie de l'esprit à eux-mêmes, et Victor Hugo ne l'admettait pas ; pour lui, l'Homme était relié à l'Esprit individuellement.
Au reste, la noblesse française, à cette époque, était volontiers athée : Costa de Beauregard dit qu'elle lisait surtout Voltaire et Diderot. Or, face à cela, certains révolutionnaires étaient nourris de la Profession de foi du Vicaire savoyard de Rousseau, qui y avait mis l'être individuel en relation intime avec l'Être suprême, dont la Convention, par conséquent, reconnut solennellement l'existence, et auquel la Nation, sous la Première République, créa un culte. Le divin était considéré comme libre d'accès, pour le Peuple.
La monarchie absolue, reflet du monothéisme, faisait de la personne du Roi la manifestation de la volonté de Dieu ; le Clergé, pendant ce temps, assumait Ses célestes pensées. Or, pour Hugo, le divin ne s'arrêtait dans aucun homme en particulier, mais se communiquait à tous. Il fallait voir le centre de la vie spirituelle de la Nation dans la nature globale, dans l'atmosphère qui baignait tous les citoyens, et non dans des corps physiques distincts.
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Clik here to view.Il faut avouer que si son espèce de républicanisme mystique s'était imposé, on n'aurait pas, en France, sous les Troisième et Quatrième Républiques, ressenti comme un cruel manque l'absence de tête dirigeante. Cette tête eût été celle de l'Être suprême, manifestée dans la chaleur des débats du Parlement. Mais la civilisation d'alors n'avait pas renoncé au matérialisme, qui place l'esprit dans le seul cerveau. On peut dire que la culture française a poursuivi l'évolution qui avait amené la noblesse du dix-huitième siècle à lire Diderot et Voltaire. Pour ramener l'Esprit, l'idée monarchique restait la seule qui pût s'imposer aux consciences : Charles de Gaulle s'est réclamé, ainsi, du gallicanisme traditionnel, et a placé l'esprit de la Nation dans la personne du Président. Or, c'est justement cela que Hugo rejeta dans ce qu'avait provoqué Napoléon III en 1851. On revenait à la forme classique de l'État ; on était dans une forme de néoclassicisme.
On l'est toujours, et même plus que jamais, puisque, pour assurer au gouvernement une puissance d'action décisive, le régime, en France, est de plus en plus présidentiel - de plus en plus monarchique. Le fait est qu'on n'a pas évolué, culturellement, dans le sens du romantisme et du spiritualisme de Victor Hugo ou de Jean-Jacques Rousseau - qu'on s'en plaigne ou qu'on s'en réjouisse.