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Clik here to view.Quand on lit Quatrevingt-Treize, de Victor Hugo, et qu'on médite sur le déroulement des événements qui ont suivi la prise de la Bastille, on a le sentiment qu'au départ, la Liberté, l'Égalité et la Fraternité impliquaient la fin d'un pouvoir central exclusif et fort, qui était l'apanage de la monarchie absolue. Plusieurs commentateurs ont remarqué les contradictions, à cet égard, de Victor Hugo, qui plaçait la lumière dans la Convention, à Paris, et l'obscurité dans la Bretagne insurgée, la Vendée, et qui défendait, dans le même temps, le principe de la souveraineté des communes contre l'administration centrale. Mais la résolution de cette contradiction est précisément la clef pour comprendre la position de la Convention en 1793.
Car dans les faits, les jacobins n'ont-ils pas simplement estimé que le centralisme était nécessaire pour sauver la Révolution ? Le modèle suisse, si prégnant (Guillaume Tell même ayant été une des figures les plus vénérées par les premiers révolutionnaires), a été jugé impossible alors en France, parce qu'il signifierait la poursuite de la guerre civile : certaines communes refuseraient, purement et simplement, les principes de 89, et prôneraient le retour de la royauté. Le dilemme était profond : fallait-il rester dans l'idéal et, comme les fédéralistes (autant admirés par Hugo que les jacobins), préférer la royauté dans les régions qui la voulaient au nom de l'application absolue du principe de la souveraineté des communes, ou fallait-il contraindre au préalable à l'adoption par tous de la République et de ses valeurs fondamentales, en limitant la notion de peuple à la France prise dans son entier ?
On sait ce qu'il en est advenu. Le risque était pourtant grand, en imposant la liberté, de la voir perdue pour ceux qui n'en voudraient pas. Comment imposer la liberté ? Et comment résoudre la contradiction qu'implique l'alliance de ces deux termes, c'est le problème de la République depuis l'origine.
Il n'existe pas (encore) de démocratie totale. Cela reste un rêve, celui, dans le roman de Hugo, de l'idéaliste Gauvain, qui finalement est guillotiné et dont l'être lumineux se fond dans les cieux.